3. L’émotion au service de la survie: le stress chez l’Homme

Précédent: 2. Fuite, lutte et inhibition de l’action

Contrairement au stress animal « défensif », il est, chez l’être humain, d’origine interne, subjective, cognitive. En effet, de très nombreuses études montrent qu’on ne peut pas identifier de causes externes réelles dans près de 90 % des cas de stress humain, en situation sociale moderne et en temps de paix. Ce sont en fait nos pensées, nos cognitions, en l’occurrence incohérentes, contradictoires, qui déclenchent le stress. Leur remise en ordre l’apaise. Pour l’illustrer, nous savons que nous ne stressons pas tous pour les mêmes raisons, dans les mêmes conditions. Nous n’apprécions pas tous les événements de la même façon, ni dans leur signification, ni même dans leur gravité.

Pour Jacques Fradin[1], le stress peut être interprété comme une information nous indiquant que nous commettons une erreur de raisonnement, au niveau de l’intention, de l’attitude ou du comportement, que nous faisons fausse route, qu’il y a sans doute d’autres manières d’appréhender la situation, la réalité, et de la gérer.

En 2008, ses travaux ont montré que ce n’est pas seulement l’incohérence cognitive qui se cache derrière le stress, mais l’obstruction des activités de la partie la plus intelligente du cerveau : le néocortex préfrontal. Celui-ci semble capable de détecter cette incohérence et émettrait un message d’alerte inconscient.

Damasio a mis en évidence le fait, bien connu par les neurologues, que les aires néocorticales les plus intelligentes, et tout particulièrement préfrontales, sont peu ou pas impliquées dans les mécanismes de la conscience.[2]

Ainsi, soit notre conscience « entend et accepte » ce message du préfrontal et nous comprenons alors plus ou moins clairement pourquoi nous stressons, ce qui suffit parfois à résoudre ce stress ; soit, le plus souvent, notre conscient ne décode pas (ou insuffisamment) le message et son importance, ou même le refoule parce que cela le dérange.

Dans ce deuxième cas, c’est le cerveau reptilien qui, sans le savoir, joue le rôle de porte-parole du préfrontal. Non dans le contenu du message, car ces vieilles structures ne peuvent comprendre ni apprendre de quoi il s’agit, et n’agissent qu’en terme de fuite, lutte ou inhibition, mais en traduisant ce message en stress, déclenchant presque toujours un dysfonctionnement interne, consistant plus précisément en un refoulement des messages de notre intelligence supérieure par des structures conscientes.

Le fait d’être munis d’un cerveau reptilien qui cherche en dehors nos agresseurs induit en erreur. Les réponses comportementales du stress continuent malheureusement à s’exprimer au travers de réponses primitives, rigides et « décalées » en contexte social humain.

Le stress est donc, chez l’homme, un indicateur du refoulement du préfrontal. Les causes en sont bien plus internes qu’externes (liées à l’environnement).[3]

Extrait du mémoire Unité corps-émotion, de la théorie à l’Ostéopathie


[1] Fradin Jacques, médecin et thérapeute cognitif et comportemental.

[2] DAMASIO Antonio R., Spinoza avait raison. Joie et tristesse, le cerveau des émotions, Odile Jacob, 2005

[3] Fradin Jacques, L’intelligence du stress, Groupe Eyrolles, 2008