Les mécanismes de transmission et de répétitions des traumatismes psychiques peuvent trouver une origine grâce à l’étude d’une spécialité en plein développement : l’épigénétique. Cette discipline permet de mettre en évidence le rôle de l’environnement sur nos cellules, et ainsi sur notre capacité d’adaptation.
L’épigénétique (« épi » = au-dessus, donc « au-dessus de la génétique ») est la modulation de l’expression des gènes. On pensait pendant longtemps que l’ADN ne pouvait varier que sur de très grande période afin de permettre aux espèces d’évoluer dans le temps. Or, seulement un petit pourcentage est utilisé pour permettre la synthèse des molécules (enzymes, protéines) qui vont faire fonctionner la cellule vivante. Autrefois appelé « ADN poubelle », la majeure partie d’ADN restants (98% selon l’épidémiologiste Jérémy Howick) va permettre de fabriquer des petites molécules qui vont circuler dans le corps et vont en permanence réguler le fonctionnement des gênes. Cette modulation est produite par notre comportement : alimentation, activité physique, gestion du stress, plaisir de faire les choses, harmonie du réseau familial et professionnel.[1] Ces différents éléments vont produire des molécules appelés marqueurs épigénétiques qui, dans le noyau des cellules, activeront ou inhiberont l’expression de certains gènes. En effet, dans les chromosomes, l’ADN forme le centre, celui-ci est recouvert par des protéines appelées histones. Lorsque les gènes sont recouverts, il est impossible de « lire » l’information. Ce sont les signaux de l’environnement qui vont ainsi pousser ces histones à changer de forme et se détacher de l’ADN pour pouvoir permettre au gène d’être lu.[2]
Bruce Lipton[3] a mis en évidence que les cellules se transformaient en fonction de leur environnement, même si leur noyau était retiré. En effet, en détruisant ce dernier, il a montré que la cellule gardait un fonctionnement coordonné de son système physiologique (respiration, digestion, excrétion, motilité, etc, ..). Elle s’adapte parfaitement à son milieu ambiant. La raison pour laquelle elle meurt finalement au bout de un à deux mois est que sans ADN, elle ne peut remplacer les protéines affaiblies. L’ADN ne contrôle donc pas les fonctions biologiques mais est en quelque sorte une grille de lecture, un ensemble de « recettes ». Il démontre ainsi que l’environnement qui opère au travers de la membrane, contrôle le comportement et la physiologie de la cellule, en activant et désactivant les gènes.

Il a aussi été montré que ces modifications de l’expression de nos gènes liés à l’environnement se transmettent de générations en générations. Par exemple, il a été montré que la famine vécue par des femmes enceintes durant la seconde guerre mondiale avait eu des répercussions sur l’expression des gènes de leur enfant ainsi que sur l’expression des gènes des cellules germinales de ces derniers, entrainant une augmentation des maladies cardio-vasculaires, du diabète et de l’obésité.[4]
Jérémy Howick[5] précise que le sang est en quelque sorte l’environnement immédiat de toutes les cellules du corps. Quand nous sommes stressés, du cortisol et de l’adrénaline sont sécrétés dans la circulation sanguine. L’esprit contrôlant en partie l’activation du stress, la réaction au stress modifiant l’environnement de nos cellules, et l’environnement de nos cellules influençant nos gênes, on peut en déduire que l’esprit peut influencer nos gênes. Une revue systématique couvrant 43 études a mis en évidence qu’un taux élevé d’hormones du stress, comme le cortisol, peut endommager l’ADN en augmentant les risques de mutations indésirables. La réaction au stress a aussi des effets sur la production, par nos cellules, des protéines dont notre corps a besoin pour croître, se réparer et se défendre contre les maladies, y compris le cancer. Tous ces effets nocifs sont neutralisés quand nous prenons le temps de déclencher la réaction de relaxation. En outre, l’épigénétique suggère que notre progéniture sera susceptible de souffrir de ces effets indésirables du stress. Howick précise que dans la plupart des cas, les maladies ne sont héréditaires qu’en partie et, souvent, les facteurs environnementaux et le mode de vie sont plus importants que les gènes. [6]
En 2008, Herbert Benson[7] a étudié l’impact de la méditation sur notre génome. La méditation permet d’accéder à des émotions positives. Benson a réalisé plusieurs études qui ont montré que la pratique de la méditation modifie considérablement l’expression des gènes jouant un rôle important dans le stress, l’inflammation ainsi que le vieillissement, impliquant une meilleure santé.[8]
Bruce Lipton fait logiquement le lien entre les cellules et les humains, composés de plusieurs milliards de cellules qui, au cours de l’évolution, se sont associées afin d’adopter des moyens de survie et d’évolution de plus en plus performants. Ainsi nous nous modifions en fonction de notre environnement extérieur mais aussi intérieur, à travers nos perceptions du monde et les émotions qu’elles entrainent.
Pour aller plus loin: Psychogénéalogie et transgénérationnel: les transmissions familiales de traumatismes
Extrait du mémoire Unité corps-émotion, de la théorie à l’Ostéopathie
[1] De Rosnay Joël, La symphonie du vivant, Comment l’épigénétique va changer votre vie, Les liens qui libèrent, 2018
[2] Lipton Bruce, Biologie des Croyances, Ariane, 2016, p.53
[3] Lipton Bruce, Biologie des Croyances, Ariane, 2016, p.57-58
[4] Mansuy Isabelle, Conférence « Traumatisme en héritage »,
[5] Howick Jeremy, épidémiologiste et directeur du « Oxford Empathy Program » de l’Université d’Oxford.
[6] Howick Jérémy, Docteur vous, Les éditions de l’Homme, 2019, p.245
[7] Benson Herbert, professeur de médecine à l’Université de Harvard.
[8] Beauregard Mario, Un saut quantique de la conscience. Pour se libérer de l’idéologie matérialiste, Guy Trédaniel éditeur, 2018, p.50-51